Les grandes mutations sociales et économiques, qu’elles soient issues de l’industrialisation ou des avancées technologiques, ont toujours suscité des réflexions sur la solidarité, la redistribution et l’organisation du travail. Au XIXᵉ siècle, des penseurs comme Charles Fourier, Robert Owen ou Saint-Simon ont inauguré le socialisme utopique, une doctrine explorant le rôle de la coopération, le partage équitable des richesses et la place de l’individu dans la société. Ces idées, longtemps considérées comme visionnaires, trouvent un écho particulier aujourd’hui, à l’aube d’une nouvelle révolution industrielle portée par l’intelligence artificielle (IA), la robotique et la blockchain.
Du XIXᵉ siècle à une économie solidaire : les pionniers du solidarisme
1. Charles Fourier (1772–1837)
Fourier imaginait des phalanstères, communautés autonomes où les ressources et le travail seraient partagés pour garantir un bien-être collectif. Il voyait dans la coopération un moyen d’harmoniser les passions humaines et d’assurer le progrès social.
2. Robert Owen (1771–1858)
Industriel gallois, Owen a expérimenté des modèles communautaires améliorant les conditions de vie et de travail des ouvriers. Ses colonies paternalistes favorisaient l’éducation et la solidarité, démontrant que la prospérité collective pouvait découler d’une organisation équitable.
3. Saint-Simon (1760–1825)
Précurseur du solidarisme, Saint-Simon prônait une redistribution des richesses à travers des projets d’infrastructures collectifs (canaux, chemins de fer). Pour lui, l’économie devait servir l’intérêt général, avec une juste répartition des bénéfices.
Ces idées ont jeté les bases d’un solidarisme qui, au fil du temps, a inspiré la création de mutuelles, de coopératives et de systèmes comme la Sécurité sociale. Leur message central reste pertinent : le progrès technique doit s’accompagner d’une réflexion profonde sur la justice sociale.
Révolution industrielle 4.0 : nouvelles technologies, nouveaux enjeux
L’essor de l’intelligence artificielle et de l’automatisation redéfinit l’organisation du travail et soulève des questions sur la répartition des richesses générées. La perspective d’un revenu universel, popularisée par des figures comme Benoît Hamon, s’inscrit dans cette problématique. Ce modèle ambitionne d’assurer à chacun un revenu de base, indépendamment de l’emploi, dans un monde où le travail se raréfie.
En parallèle, les technologies comme la blockchain offrent des outils pour une redistribution plus transparente et directe des richesses. Des initiatives d’économie sociale et solidaire (ESS), appuyées sur ces innovations, émergent avec un objectif clair : réinvestir les gains de l’IA et de la robotique dans des projets collectifs.
Un héritage à réactualiser pour le XXIᵉ siècle
Les idées des utopistes du XIXᵉ siècle trouvent un écho dans les défis modernes :
1. Redistribution des richesses
À l’instar des phalanstères ou des colonies ouvrières, les modèles actuels cherchent à redistribuer équitablement la valeur créée par l’IA.
2. Nouvelles formes de travail
L’automatisation et le télétravail exigent une refonte des systèmes de protection sociale, d’éducation et de formation continue.
3. Solidarité et résilience
Face aux risques de fractures numériques et à la concentration économique, la solidarité redevient une priorité, soutenue par des technologies inclusives.
Le revenu universel : une réponse contemporaine
Benoît Hamon
Ancien ministre français, Hamon défend un revenu universel pour anticiper les conséquences de l’automatisation. Il promeut une redistribution équitable, inspirée des utopistes, adaptée aux défis du XXIᵉ siècle.
Sam Altman et Worldcoin
Sam Altman, cofondateur d’OpenAI, propose une redistribution mondiale des bénéfices de l’IA via un système comme Worldcoin. Ce projet vise à garantir un revenu de base universel en utilisant les gains générés par l’automatisation. Cette vision réactualise les idéaux solidaristes en s’appuyant sur des outils technologiques.
Un Parlement ESS pour structurer le débat
Stéphane Junique, président du Groupe VYV, milite pour la création d’un Parlement de l’ESS, qui aurait pour mission de :
1. Organiser un débat démocratique autour de l’économie sociale et solidaire, face aux mutations technologiques.
2. Définir une vision commune des priorités stratégiques et des valeurs fondamentales de l’ESS.
3. Élaborer un plan d’action concret, incluant des mesures de redistribution, des initiatives de formation et des projets collaboratifs.
Conclusion : un néo-utopisme moderne
Les révolutions industrielles, qu’elles soient celles de la vapeur ou de l’intelligence artificielle, posent les mêmes questions fondamentales : comment garantir une société équitable, résiliente et centrée sur l’humain ?
Le revenu universel, les projets d’ESS et les nouvelles technologies dessinent les contours d’un modèle où la coopération prime sur la concurrence, où la dignité humaine n’est pas sacrifiée au profit du progrès. À nous de bâtir ce futur, en alliant les idées des pionniers d’hier aux outils de demain.